18 janvier 2023 Cour d'appel de Paris RG n 21/04774

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1 Cour d'appel de Paris RG n 21/04774 Pôle 5 - Chambre 6 Texte de la décision Entête Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS COUR D'APPEL DE PARIS Pôle 5 - Chambre 6 ARRÊT DU 18 JANVIER 2023 (n, 11 pages) Numéro d'inscription au répertoire général : N RG 21/ N Portalis 35L7-V-B7F-CDIXO Décision déférée à la Cour : Jugement du 25 Février TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de PARIS - RG n 18/11932 APPELANTS Monsieur [H] [N] Page 1 / 15

2 [Adresse 4] [Localité 6] né le [Date naissance 2] 1952 à [Localité 7] (2B) Madame [D] [E] épouse [N] [Adresse 4] [Localité 6] née le [Date naissance 1] 1952 à [Localité 8] ([Localité 8]) S.C.I. [J] [Adresse 4] [Localité 6] N SIRET : Représentés par Me Florence GUERRE de la SELARL SELARL PELLERIN - DE MARIA - GUERRE, avocat au barreau de PARIS, toque : L0018 Ayant pour avocat plaidant Me Eva JACQUIN, avocat au barreau de PARIS, toque : G0355 INTIMEE S.A. BPE [Adresse 3] [Localité 5] Représentée par Me Katia SITBON, avocat au barreau de PARIS, toque : P0296, avocat plaidant COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 29 Novembre 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Marc BAILLY, Page 2 / 15

3 Président de chambre, chargé du rapport, et Monsieur Vincent BRAUD, Président. Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de : M. Marc BAILLY, Président de chambre, M. Vincent BRAUD, Président, MME Pascale SAPPEY-GUESDON, Conseillère, Greffier, lors des débats : Madame Yulia TREFILOVA ARRET : - CONTRADICTOIRE - par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile. - signé par M. Marc BAILLY, Président de chambre, et par Mme Anaïs DECEBAL, Greffière, présente lors de la mise à disposition. * * * Le 22 mars 2004, la Sa Banque Privée Européenne a offert un prêt à la Sci [J], gérée par Monsieur [H] [N], ayant pour objet l'acquisition, la gestion, l'exploitation et la mise en valeur de tous biens immobiliers ainsi que la mise à disposition à titre gratuit desdits immeubles aux associés, destiné à financer l'acquisition de la résidence principale des associés, les époux [N] Par acte sous seing privé du 16 avril 2004 libellé «annule et remplace votre contrat de prêt du 22/03/04», la Banque Privée Européenne a consenti à la Sci [J] un prêt immobilier in fine d'un montant de , Page 3 / 15

4 remboursable en 180 mensualités au taux variable initial de 3,96% l'an, adossé sur l'euribor à 3 mois. Par avenant du 26 décembre 2006, le taux a été fixé à titre définitif à 4,45% l'an. Le prêt était notamment garanti par le cautionnement personnel des associés, Monsieur [N] et Madame [D] [E] épouse [N], et la «caution réelle et solidaire avec nantissement» de contrats d'assurance sur la vie : -souscrits par Monsieur [N] : l'un auprès de la compagnie Suravenir, dénommé «Myrialis», d'une valeur de et l'un auprès de la compagnie Cardif, dénommé «Cardif multiplus sélection» d'une valeur de souscrit par Madame [E] auprès de la compagnie Cardif, dénommé «Cardif multiplus sélection» d'une valeur de En outre, le prêt était garanti par le gage d'instruments financiers dont les associés étaient titulaires tenant en un plan d'épargne en actions contenant un compte-titres et un compte d'espèces d'une valeur respective, pour Monsieur [N], de et 587,92 et pour Madame [E] de et 475,68. Le 6 décembre 2006, la Sci [J] a souscrit auprès de la compagnie Cardif un contrat de capitalisation «Cardif multiplus 2 capitalisation» d'une valeur de ,51 à la date de l'avenant de la convention de prêt. Le 17 novembre 2006, la Sci [J] a souscrit auprès de la compagnie Suravenir un contrat de capitalisation «Cap initiative +» dont la valeur parvenait à lors de l'avenant à la convention de prêt ' contrats venant se substituer aux contrats «Myrialis» et «Cardif multiplus sélection». Par acte d'huissier du 12 octobre 2018, la Sci [J] et les époux [N] ont assigné la BPE, estimant l'opération ruineuse à raison du coût du prêt et faute de rendement des assurances-vie et reprochant à la BPE d'avoir manqué à ses devoirs d'information et de conseil puis à l'exécution de bonne foi de la convention. Le 5 décembre 2019, le prêt a été remboursé en intégralité. Par jugement contradictoire en date 25 février 2021, le tribunal judiciaire de Paris a ainsi statué : -Déclare l'action recevable -Condamne la Banque Privée Européenne à payer à la Sci [J] en réparation de sa perte de chance de n'avoir pu contracter avec un tiers établissement un prêt plus avantageux -Rejette le surplus des demandes de la Sci [J] -Ordonne l'exécution provisoire Page 4 / 15

5 -Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile -Condamne la Banque Privée Européenne aux dépens. Par déclaration d'appel en date 11 mars 2021, la Sci [J] et les époux [N] ont interjeté appel dudit jugement à l'encontre de la BPE. Dans leurs conclusions en date du 6 décembre 2021, la Sci [J] et les époux [N] demandent à la cour de : «- Infirmer le Jugement entrepris en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a déclaré recevable l'action de la SCI [J], de Monsieur [N] et de Madame [N] et sauf en ce qu'il a déclaré que la SCI [J] a perdu une chance de pouvoir contracter avec un tiers établissement un prêt plus avantageux. Statuant de nouveau : - Dire et juger que la BPE a manqué à son obligation d'information ainsi qu'à son devoir de conseil et de mise en garde envers la SCI [J], lors de la souscription du prêt in fine en mars 2004 ; - Dire et juger que de ce fait la SCI [J] a perdu une chance de ne pas contracter le prêt in fine auprès de la BPE ; - Dire et juger que la BPE a eu un comportement fautif en exécutant de mauvaise foi le contrat de prêt in fine conclu avec la SCI [J] ; - Dire et juger que le montant de la réparation allouée à la SCI [J] par le Tribunal en première instance au titre de la perte de chance de pouvoir contracter avec un tiers établissement un prêt plus avantageux est insuffisant. En conséquence : - Condamner la BPE à rembourser à la SCI [J] la somme de deux cent vingt- sept mille soixante-six euros ( ), au titre des montants d'intérêts et d'assurance perçus sur le prêt in fine consenti depuis mars 2004 ; - Condamner la BPE à payer à la SCI [J] la somme de cent vingt mille euros ( ) de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi du fait de l'abus de droit de la BPE dans le déroulement des pourparlers de renégociation du prêt in fine; - Condamner la BPE à payer à la SCI [J] la somme de cent soixante-six mille cent soixante-quatorze euros ( ) en dommages-intérêts au titre de la perte de chance d'avoir pu obtenir une offre de financement moins coûteuse par la Société Générale ; - Condamner la BPE à payer à la SCI [J] la somme de dix mille euros ( ) au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ; Page 5 / 15

6 - Condamner la BPE aux entiers dépens de la présente instance». Au soutien de leurs prétentions, ils font valoir que : S'agissant de la recevabilité de l'action. La Sci [J] et les époux [N] soutiennent que ce n'est qu'en constatant la mauvaise évolution des supports de placement, fin 2013, à seulement quelques années de la date d'échéance finale de remboursement, que la Sci [J] a commencé à réaliser son dommage. Ils ajoutent que l'action en responsabilité de la Sci [J] ne se fonde pas uniquement sur le manquement de la BPE à son devoir de mise en garde mais aussi sur l'absence de conseil dans la gestion des actifs nantis ainsi que sur la mauvaise foi dans l'exécution du contrat de prêt. La Sci [J] et les époux [N] indiquent qu'en ce qui concerne ces deux fondements, le point de départ de la prescription est la date de réalisation des fautes reprochées, soit postérieurement à octobre 2013 et donc dans la limite de la prescription de 5 ans par rapport à la date de délivrance de l'assignation. Enfin, La Sci [J] et les époux [N] soutiennent que la prescription de 5 ans a été suspendue entre le 25 janvier 2018, date de la saisine du médiateur de la BPE et le 11 juillet 2018, date du refus de la proposition du médiateur par la Sci [J]. S'agissant du prétendu caractère averti de l'emprunteur. La Sci [J] et les époux [N] font valoir que les sociétés dans lesquelles Monsieur [N] a travaillé ne relèvent pas du domaine bancaire ou financier et qu'il n'avait souscrit que deux emprunts, dans un cadre familial. Ils ajoutent que son rôle de dirigeant est d'avoir une vision pour conduire l'entreprise et ses collaborateurs et que les «arcanes des montages financiers» sont la spécialité du directeur financier, raison pour laquelle les époux [N] ont fait appel à un conseiller en gestion de patrimoine, EGP Conseil, jusqu'en 2010 puis AFC Patrimoine à partir de fin Exposé du litige S'agissant des fautes reprochées à la BPE. La Sci [J] et les époux [N] reprochent à la BPE l'absence d'information sur le mécanisme des prêts in fine et sur ses risques particuliers en l'espèce ainsi qu'un manquement au devoir de conseil et de mise en garde concernant le prêt. A ce titre, ils soutiennent notamment que le prêt était inadapté et que la Sci [J] n'avait pas la capacité financière de rembourser la dernière échéance du prêt in fine en dehors des 4 investissements nantis. La Sci [J] et les époux [N] font également valoir que la BPE a fait preuve d'une particulière mauvaise foi dans l'exécution de la convention de prêt d'une part en s'abstenant de répondre aux demandes de renégociation du prêt formulées par la Sci [J] et de prodiguer le moindre conseil dans la gestion des actifs nantis et d'autre part en refusant de communiquer les documents nécessaires à l'octroi d'un financement par une autre banque. S'agissant de la réparation du préjudice subi. Concernant le préjudice résultant du manquement de la BPE à son devoir de mise en garde, à son obligation d'information et à son obligation de conseil, la Sci [J] et les époux [N] sollicitent la somme de correspondant à la différence entre (montants consacrés aux intérêts bancaires et à l'assurance dans le cadre du prêt in fine ) et (montants de même nature qui auraient pu être engagés avec un prêt au taux d'intérêt révisé à compter de janvier 2009). La Sci [J] et les époux [N] ajoutent qu'il est raisonnable d'estimer à 75% la perte de chance de la Sci [J] (soit ) car il est très probable qu'elle aurait opté pour un prêt amortissable dès 2004 si elle avait été conseillée de manière appropriée sur les Page 6 / 15

7 risques du prêt in fine et sur la rentabilité des actifs placés et ainsi, elle aurait pu bénéficier dès 2009 de la baisse des taux. Concernant le préjudice résultant de la mauvaise foi de la BPE dans l'exécution du contrat, la Sci [J] et les époux [N] sollicitent le paiement des sommes de au titre de l'abus de droit dans le déroulement des pourparlers de renégociations du prêt et ( X 2/3) au titre de la perte de chance d'avoir pu obtenir une offre de financement moins coûteuse par la Société Générale. Moyens Dans ses conclusions en date du 9 septembre 2021, la BPE demande à la cour de : «- Déclarer BPE recevable en son appel incident, A titre principal : -Infirmer le jugement rendu le 25 février 2021 par le Tribunal judiciaire de Paris (RG n 18/11932) en ce qu'il a déclaré l'action de la SCI [J] et des époux [N] recevable, Statuant à nouveau, -Déclarer l'action de la SCI [J] à l'encontre de la société BPE irrecevable, A titre subsidiaire : -Infirmer le jugement rendu le 25 février 2021 par le Tribunal judiciaire de Paris (RG n 18/11932) en ce qu'il a condamné BPE à payer à la SCI [J] la somme de euros en réparation de sa perte de chance de n'avoir pu contracter avec un tiers établissement un prêt plus avantageux, Statuant à nouveau, - Dire et juger que BPE n'a fait preuve d'aucune mauvaise foi de nature à engager sa responsabilité, Page 7 / 15

8 - Dire et juger que la SCI [J] et les époux [N] ne justifie d'aucun préjudice en lien avec BPE, En tout état de cause : -Confirmer le jugement rendu le 25 février 2021 par le Tribunal judiciaire de Paris (RG n 18/11932) dans le reste de ses dispositions -Débouter la SCI [J] et des époux [N] de l'intégralité de ses demandes, à toutes fins qu'elle comporte, - Condamner tout succombant à payer à la société BPE la somme de euros, en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile, - Condamner tout succombant aux dépens de l'instance et que Maître Katia SITBON, avocat, pourra en poursuivre le recouvrement dans les termes de l'article 699 du code de procédure civile». Au soutien de ses prétentions, elle fait valoir que : S'agissant de la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action. La BPE fait valoir que le prêt ayant été consenti le 16 avril 2004, les appelants avaient jusqu'au 17 avril 2009 ou au plus tard jusqu'au 29 décembre 2011 si l'on considère la renégociation du prêt en 2006 pour former ses demandes à l'encontre de la BPE mais que l'assignation date du 12 octobre 2018, rendant l'action prescrite. La BPE ajoute qu'à supposer que le point de départ soit la découverte d'un prétendu dommage ou encore le jour où le titulaire aurait dû connaitre les faits, la Sci [J] ' à raison de la connaissance que pouvait en avoir son gérant, rompu aux arcanes des montages financiers du fait de son activité professionnelle et des services qu'elle s'était attachée d'une société de conseil en gestion de patrimoine ' était placée dès le départ dans la plus parfaite position pour apprécier l'évolution desdits contrats et réagir en fonction de celle-ci. S'agissant du mal fondé des demandes. Tout d'abord, la BPE soutient qu'elle n'était débitrice d'aucune obligation de mise en garde en raison du caractère averti de l'emprunteur, caractère résultant des fonctions de directeurs de Monsieur [N] dans de nombreuses sociétés. Ensuite, la BPE fait valoir que la Sci [J] s'était vu consentir un prêt in fine par Entenial en juillet 2000, soit 4 ans avant son entrée en relation avec la BPE et que par conséquent elle connaissait parfaitement les mécanismes dudit prêt, rendant la prétendue absence d'information sur les mécanismes du prêt in fine infondée. Concernant le prétendu manquement au devoir de conseil et de mise en garde lors de la souscription du prêt, la BPE affirme que l'emprunteur est averti et que le prêt n'était aucunement disproportionné et qu'il ne présentait pas de risque de surendettement au regard du résultat escompté de l'opération et du patrimoine de la Sci [J], étant précisé que ledit prêt a été intégralement remboursé fin Concernant le prétendu manquement au devoir d'information et de mise en garde concernant le contrat Cap Page 8 / 15

9 Initiative Plus et la prétendue absence de conseil dans la gestion des actifs nantis au bénéfice de la BPE, la BPE soutient qu'elle n'a jamais été liée à la Sci [J] par un mandat de gestion. Concernant la prétendue mauvaise foi dans l'exécution du contrat, la BPE fait valoir que la communication du décompte de remboursement anticipé ainsi que du relevé du contrat de capitalisation n'a été ni tardive ni emprunte de mauvaise foi, l'émission et l'édition de ces documents ne pouvant être immédiate. S'agissant du prétendu préjudice. La BPE indique que les intérêts versés par la Sci [J] depuis 2004 ont été jusqu'au complet remboursement du prêt de ,07 et non 1 022,235 et que partant, 75% de l'intégralité desdits intérêts s'entendent de La BPE ajoute que ledit pourcentage ne saurait tenir car si le prêt avait été amortissable et au taux fixe de 4,90% sur 15 ans, le montant des intérêts aurait été d'environ et ainsi, le préjudice ne saurait être supérieur à ( ). La BPE soutient par ailleurs que la Sci [J] ne produit aucune pièce pour justifier de la perte de chance. Elle indique que la perte de chance de contracter avec la Société Générale ne peut être retenue dans la mesure où il est reconnu par les appelants que la contractualisation avec cette dernière a été rendue impossible à raison de la perte d'emploi de Monsieur [N] au début de l'été 2015 et de l'augmentation des taux. S'agissant de l'article 700 du code de procédure civile. La BPE demande à la cour de condamner la Sci [J] et les époux [N] au paiement de la somme de au titre dudit article. Motivation MOTIFS Sur la prescription C'est par de justes motifs, exempts de toute insuffisance, que la cour adopte que le tribunal, après avoir rappelé que la prescription quinquennale de l'action en responsabilité tant pré contractuelle que contractuelle à l'égard de la banque, court à compter de la réalisation du dommage ou de la date à laquelle il est révélé à la victime, soit à compter du jour où l'emprunteur a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'exercer son action, a jugé : - que lorsque le souscripteur d'un contrat d'assurance-vie, nanti en garantie du remboursement d'un prêt in fine, reproche à la banque prêteuse de ne pas l'avoir conseiller ou informé du risque que, du fait d'une contreperformance de ce contrat, son rachat ne permette pas de rembourser le prêt à son terme, le dommage qu'il invoque consiste en la perte de la chance d'éviter la réalisation de ce risque qui ne peut sur venir avant le terme Page 9 / 15

10 du prêt, de sorte qu'en l'espèce c'est à la date de son remboursement anticipé du 5 décembre 2019 que se situe le point de départ du délai, - que c'est également à compter du mois de décembre 2019 que court le délai s'agissant du défaut de rentabilité du contrat d'assurance-vie puisqu'il a été dénoué à cette date aux fins de régler par anticipation le prêt in fine, - que la BPE, sur laquelle repose la charge de la preuve de la fin de non recevoir qu'elle invoque, ne démontre pas que le manquement reproché à son obligation de négociation de bonne foi des modifications du prêt en cours d'exécution et de l'information sur les sommes encore dues pour un paiement anticipé serait antérieur de plus de cinq ans à la date de l'assignation du 12 octobre 2018 puisque les appelants fondent leurs demandes sur des échanges débutés le 29 octobre 2013 et qui ont essentiellement eu lieu en 2014 et Sur les manquements reprochés lors de la souscription du prêt Reprenant les éléments figurant dans l'offre de prêt, (sommes prêtée, tableau d'amortissement, intérêts, garanties prises, coût total du crédit, conditions spécifiques applicables au prêt 'BPE Optimum' ) le tribunal a caractérisé l'absence de manquement de la banque à son obligation d'information pré contractuelle puisque tous les éléments sur les caractéristiques du prêt ont été communiqués à la SCI, notamment le lien entre le remboursement du capital à la dernière échéance 'qui s'effectue au moyen de produits issu de la capitalisation d'un ou plusieurs contrats(s) d'épargne constitué(s) auprès d'une compagnie d'assurance, d'une banque ou d'un établissement financier, dont le montant est nanti auprès du prêteur'. L'obligation de mise en garde dont est redevable un établissement dispensateur de crédit est celle qui l'oblige, envers un emprunteur non averti, à l'alerter du risque d'endettement excessif qui naît de l'octroi du prêt, en considération de ses capacités financières, conduisant à une incapacité de régler ses causes. Or, ce n'est pas de la réalisation d'un tel risque que la SCI [J] [J] et les consorts [N] peuvent se plaindre utilement dès lors que la SCI a été en mesure d'honorer la dernière échéance du crédit in fine et qu'ils n'objectivent pas que le prêt octroyé était disproportionné à ses capacités financières. Ce dont se plaint la SCI [J], c'est que le seul produit des contrats d'assurance-vie et singulièrement du contrat Cap Initiative + donné en nantissement à la banque, n'a pas permis que soit honorée en totalité l'échéance finale du prêt parce que la banque ne s'est pas assurée de son adaptation à la situation et, en outre, qu'elle ne l'a pas alertée du risque qui s'est ainsi réalisé, ces demandes étant sans lien avec l'obligation de mise en garde telle que strictement circonscrite ci-dessus. Il doit être ajouté, en tout état de cause, que la banque n'est tenue d'un devoir de mise en garde qu'à l'égard d'un emprunteur non averti, que cette qualité s'apprécie, pour une personne morale, en la personne de son dirigeant, qu'en l'espèce c'est à juste titre que la BPE fait valoir que la formation de M. [N], gérant de la SCI, qui est un ancien élève de l'essec et qui a exercé des fonctions de directeur général d'importantes sociétés (Eldorautao, Aéroboutique) et sa carrière professionnelle - étant ajouté que la SCI avait déjà souscrit un prêt in fine antérieurement, au mois d'octobre 2000, auprès de la société Entenial - conduisent à la considérer comme averti au sens précis, en l'espèce, où il ne pouvait ignorer les caractéristiques juridiques et économiques de l'emprunt qui exigeaient un abondement ou un rendement suffisant des assurances-vie nanties pour permettre un Page 10 / 15

11 remboursement de l'échéance finale au moyen de ces seuls placements. La banque, qui ne s'était pas engagée à ce que le montant des contrats nantis suffise nécessairement à payer l'échéance finale, n'était donc pas redevable d'une obligation de mise en garde. Comme l'a relevé le tribunal, sauf engagement spécifique, inexistant en l'espèce, ou offre spontanée - alors que les conditions du choix de la formule du prêt in fine ne sont pas objectivement établies - la banque dispensatrice de crédit n'est pas débitrice d'une obligation de conseil à l'égard de l'emprunteur. En conséquence de ce qui précède, le jugement doit être confirmé en qu'il a débouté les appelants de leurs demandes au titre des obligations de la banque lors de la formation du contrat. Sur les manquements reprochés en cours d'exécution du prêt S'agissant des fautes reprochées à la BPE relatives aux arbitrages du contrat Cap initiative et à l'avertissement sur les risques, c'est à juste titre, que le tribunal a relevé qu'il n'était pas justifié qu'un mandat de gestion ait été confié à la banque, que le risque en capital des investissements en unités de compte ne s'est pas réalisé puisque le contrat a connu une croissance dont les appelants déplorent la seule modicité et qu'en tout état de cause, ces manquements sont sans lien avec les préjudices invoqués qui tiennent, d'une part, à la perte de chance de ne pas avoir contracter un tel prêt au profit d'un prêt amortissable et, d'autre part, à la réparation de l'abus allégué dans le déroulement de pourparlers de sortie du prêt in fine et de perte de chance d'obtenir un refinancement moins coûteux du prêt. La SCI reproche donc encore à la BPE son manque de bonne foi dans la tentative de renégociation ou de transformation du prêt in fine en prêt amortissable et, ensuite, la tardiveté de la communication du coût de remboursement anticipé qui lui aurait fait perdre une chance de refinancer le prêt auprès de la Société Générale avec laquelle elle était en discussion. L'appréciation de ces griefs exige l'examen de la chronologie des rapports entre les parties que les pièces produites établissent de la manière suivante : - s'agissant de la demande de transformation du prêt en prêt amortissable : - M. [T], conseiller ne gestion de patrimoine mandataire des appelants a fait part à la BPE par courriel du 29 octobre 2013 de ce que 'la faible valorisation des avoirs nantis» exigerait 'l'évocation d'une réorganisation de l'endettement de M. [N]', 'les conditions d'un remboursement anticipé et d'un passage en amortissable doivent être discutées', - que par courriel du 9 décembre 2013, il a sollicité la BPE aux fins de rembourser par anticipation le prêt de la SCI avec les fonds nantis (environ euros) avec transformation dut restant du prêt en prêt amortissable, Page 11 / 15

12 demandant la transmission d'une simulation, - ce à quoi il s'est vu répondre, le jour même 'concernant la transformation partiel du InFine, et transformation en amortissable, cela est plus complexe et long', Nous sommes obligés euros remontre un nouveau prêt et donc de récupérer l'ensemble des documents nécessaires à l'étude, soit tous les justificatifs de revenus, de relevés de comptes bancaires, offre de prêts et table'au d'amortissement de toutes charge du foyer, copie de toute l'épargne des époux [N]... idem pour [J]', - qu'évoquant des discussions en mars 2014, le même M. [T] a sollicité la BPE, par courriel du 1er octobre 2014 sollicitant les conditions d'un passage en prêt amortissable et à quelle condition de taux et de durée en exprimant qu'il 'devient urgent d'agir', - ce à quoi la BPE a répondu directement à M. [N] mais en mettant son conseiller en copie, que le remboursement de la somme de euros et la transformation en prêt amortissable des euros restant conduirait, au terme d'une simulation, 'sur la base de notre grille de taux en vigueur' 'à une mensualité hors assurance d'environ 6500 euros sur 12 ans et de euros sur 15 ans' tout en soulignant qu'il est nécessaire de consulter le service des engagements pour ce faire, ce qu'i est proposé de faire la semaine suivante en 'revenant' vers son interlocuteur, - que M. [T] a relancé la BPE à ce sujet le 14 octobre 2014 en indiquant que 'compte tenu de sa fidélité, notre client serait heureux de bénéficier de conditions de taux avantageux', une relance étant encore faite le 31 octobre 2014 puis, non sans marque d'une certaine impatience, le 20 novembre 2014, - que M. [N] a ensuite sollicité parallèlement, par courriel du 1er février 2015 le décompte de remboursement anticipé du prêt et le relevé du contrat de capitalisation en garantie, - qu'il a relancé la BPE par courriels des 11 février et 8 mars 2015, M. [T] faisant lui-même une relance le 3 juin 2015, - que M. [N] a également adressé à la banque une lettre recommandée le 7 avril 2015, sollicitant à nouveau la transmission des documents et exprimant qu'il ne pouvait 's'empêcher de faire le parallèle avec le délai de traitement de m demande de renégociation' en prêt amortissable, indiquant : 'la renégociation étant impossible faute de 'interlocuteur à la BPE, j'ai opté pour un rachat du prêt', - que c'est finalement par courrier du 28 mai 2015 que la BPE, d'une part, a transmis 'la proposition de décompte de remboursement anticipé' en refusant la demande d'exonération de l'indemnité de remboursement anticipé et, d'autre part, a indiqué que 'nous vous rappelons que Mme [W] Directrice de l'agence vous avait déjà indiqué que nous n'étions pas en mesure de vous offrir de meilleures conditions financières', - que la lettre recommandée avec accusé de réception en réponse du 13 juin 2015, M. [N] a notamment rétorqué que la communication de solde de remboursement anticipé était tardive et que, contrairement à ce qu'indiquait la BPE, il était resté sans réponse aucune à sa demande de renégociation du prêt à la suite du courriel du 9 octobre Page 12 / 15

13 2014 rapporté ci-dessus. Il doit encore être précisé que le contrat de prêt litigieux comporte expressément des stipulations, en ses articles 2 et 3 de conditions spécifiques, permettant sa transformation en prêt amortissable après le 3ème anniversaire du début du crédit et la faculté, après son 8ème anniversaire de le rembourser au moyen des contrats nantis, le reliquat étant rembourser sous forme de prêt amortissable. S'il est exact que ces modifications sont soumises à l'agrément du prêteur, de sorte que son refus d'y procéder ne peut être considéré comme fautif, il n'en reste pas moins qu'il ressort de la chronologie qui précède que la BPE a fait preuve d'une inertie fautive, d'abord dans la suite à donner la demande de transformation du crédit en prêt amortissable et, ensuite, dans la communication du décompte de créance en cas de remboursement anticipé. En effet, outre la tardiveté des réponses apportées aux demandes pourtant réitérées et anciennes puisque la première date du mois d'octobre 2013, il ne peut qu'être relevé que contrairement à ce qu'a écrit le préposé, la transformation en prêt amortissable n'exigeait pas l'élaboration d'un nouveau prêt puisque cela était prévu au contrat initial, qu'en tout état de cause il appartenait à la banque de faire connaître ses conditions dans des délais raisonnables alors qu'elle ne justifie toujours pas aujourd'hui des réponses prétendument apportées en leur temps dont l'existence a été immédiatement contestée par M. [N] et qu'enfin c'est à juste titre que le tribunal a simplement relevé qu'un délai de trois mois pour la communication d'un décompte de remboursement anticipé, qualifié à juste titre de document basique de la relation bancaire, était fautif. Les appelants sollicitent du chef de la première faute la somme de euros représentant 20 % de la valeur des biens qu'il a été nécessaire de céder pour finalement rembourser le prêt par anticipation et du chef du second manquement une somme représentant une perte de chance de n'avoir pu bénéficier d'un financement plus favorable à compter de la concrétisation des pourparlers de refinancement avec la Société Générale. Mais, la vente des biens est sans lien de causalité direct avec les tergiversations fautives de la BPE sur les demandes de transformation du crédit en prêt amortissable. Il doit en réalité être considéré que c'est un même préjudice qui est issu des manquements de la BPE à ses obligations de répondre dans des délais raisonnables aux sollicitations de l'emprunteur fondées sur le contrat de prêt et de lui faire connaître le montant restant à rembourser par anticipation, constitué, comme le font ensuite valoir à juste titre les appelants, d'une perte de chance, par la renégociation ou par le refinancement du prêt, de bénéficier de conditions plus avantageuses compte tenu de la baisse des taux lors de cette période. A cet égard, la cour, au contraire du tribunal, ne considère pas que le défaut de communication par la Société Générale d'une offre ferme de prêt vienne diminuer la perte de chance de la SCI puisque la banque de refinancement était nécessairement dans l'attente du décompte de remboursement anticipé pour formaliser une telle offre le re tard est imputable à la BPE. Il résulte au contraire des échanges entre M. [N] et son conseiller en gestion de patrimoine, notamment les courriels des 6 et 9 mars 2015, mais aussi des avants propositions d'assurance du nouveau prêt à effet du 1er mai 2015 et de l'avant-projet d'offre de prêt de la Société Générale que leurs négociations de refinancement par cette banque étaient parfaitement avancées alors que les appelants ne sont pas utilement contredits lorsqu'ils affirment que le taux de 1,95 % proposé par la Société Générale n'a augmenté qu'à compter du début du mois de Page 13 / 15

14 juin 2015 avant que M. [N] ne quitte son emploi le 20 juillet suivant, de sorte que contrairement à ce que soutient la banque, le lien de causalité entre son manquement et le défaut de souscription du nouveau prêt n'est pas inexistant. Le calcul fait par les appelants, par différence entre du coût du prêt de la BPE tel que restant à courir à effet du 1er mai 2015 jusqu'à son remboursement en décembre 2019 et le coût d'un prêt de refinancement de 15 ans rapporté à la même période, qui conduit à une économie possible de euros, n'est pas critiqué par la BPE et, compte tenu de l'ensemble des éléments rapportés ci-dessus, la cour estime que la SCI justifie de la perte de chance sollicitée à hauteur de 2/3 de bénéficier d'un financement moins coûteux de sorte que la BPE doit être condamné à lui payer la somme arrondie de euros de dommages-intérêts. En conséquence, il y a lieu de réformer le jugement compte tenu de ce qui précède, de condamner la société BPE anciennement Banque Privée Européenne aux entiers dépens ainsi qu'à payer à la SCI [J] [J] la somme de euros en application de l'article 700 du code de procédure civile. Dispositif PAR CES MOTIFS La cour, Statuant publiquement et contradictoirement, CONFIRME le jugement entrepris en ce qu'il a rejeté la fin de non recevoir tirée de la prescription et, rejetant le surplus des demandes de la SCI [J] [J], en ce qu'il a débouté cette dernière de ses demandes de dommages-intérêts au titre d'un manquement de la société BPE anciennement Banque Privée Européenne à ses obligations d'information, de conseil et de mise en garde ; L'infirme pour le surplus sauf du chef des dépens et frais irrépétibles et, Statuant à nouveau, JUGE que la société BPE anciennement Banque Privée Européenne a commis des manquements fautifs dans le traitement des demandes de transformation du crédit litigieux en prêt amortissable et d'obtention du solde Page 14 / 15

15 restant dû de remboursement anticipé ; En conséquence, CONDAMNE la société BPE anciennement Banque Privée Européenne à payer à la SCI [J] [J] la somme de euros de dommages-intérêts au titre de la perte de chance de voir réduire la charge du crédit ; DÉBOUTE la SCI [J] [J] du surplus de ses demandes à ce titre ; CONDAMNE la société BPE anciennement Banque Privée Européenne à payer à la SCI [J] [J] la somme de euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ; CONDAMNE la société BPE anciennement Banque Privée Européenne aux entiers dépens. LE GREFFIER LE PRESIDENT Page 15 / 15